mercredi 12 mars 2014

Laurent Dennemont : Interview - Supplément Développement Durable "Le Quotidien" / La Réunion


Dans le cadre de la rédaction d'un supplément "Développement Durable" au journal Le Quotidien, à La Réunion en décembre dernier, j'ai été sollicité comme acteur réunionnais du secteur. J'ai donc rédigé un document sur base des 5 questions posées, malheureusement mon texte n'a pu être publié par manque de place. Je vous livre donc ici mon approche en faveur d'une société plus équitable...



1. Quel est votre parcours ?  

Les fruits de l'agroecologie au jardin mandala du Tampon...
Originaire du Tampon, j’ai quitté l’île en 2000 avec l’idée de découvrir le monde et ses infinies possibilités. J’ai d’abord obtenu une maîtrise en management sportif à Montpellier (2000/2001), puis développé une activité d’agent de joueurs de football à Londres (2001-2003). J’ai finalement atterri à Bruxelles, où après  un master en Sport Business Management, j’ai été embauché en 2004 comme responsable du service Sport/Jeunesse de la commune d’Ixelles. C’est donc à Bruxelles, capitale de l’Europe, que j’ai posé mes valises depuis 10 ans. Que le temps passe vite ! Il faut dire que je m’y sens bien. C’est à la fois une capitale européenne, siège des institutions européennes où se prennent des décisions politiques importantes et une métropole culturelle, avec une offre événementielle et un dynamisme incroyable ! Paradoxalement, Bruxelles est également un grand village avec une douceur de vivre où règne une véritable convivialité entre les gens et un brassage continu des cultures, des langues, des idées. J’y ai par ailleurs rencontré ma femme, Florence, et je suis désormais papa de deux adorables « ketjes » (marmailles). Leur arrivée n’est d’ailleurs pas étrangère à mon engagement personnel pour une société plus humaine, plus juste et plus à l’écoute de son environnement.

2. Quelle est votre implication dans le développement durable ?

Face à la situation de crises multiples (économique, sociale, environnementale, etc.) à laquelle nous sommes actuellement confrontés, j’ai pris le parti de m’engager personnellement pour m’inscrire dans une démarche positive de changements. Je fais ma part (du colibri).
Au niveau de la région Bruxelles-Capitale, je suis actuellement président de l’association WORMS (Waste Organic Recycle & Management Solutions), qui vise à encourager le compostage et (in)former les bruxellois sur leur responsabilité en matière de prévention des déchets organiques. Car Bruxelles brûle chaque année plus de 350.000T de déchets ménagers dont 50% sont composés à 80% d’eau… Bref, on dépense beaucoup d’argent et d’énergie pour brûler… de l’eau ! WORMS promeut donc le compostage individuel (compost/ vermicompost), et les composts de quartier. En 5 années nous avons accompagné la création de plus de 60 composts de quartier, formé plus de 70 Maîtres-Composteurs, délivré plus de 40 formations liées aux techniques de compostage et valorisé des tonnes de déchets organiques sous forme d’un compost riche et vivant.

Au niveau personnel, je participe à « Ixelles en transition », une « démarche locale, positive, collective et surtout ouverte à tou(te)s, pour passer à l’action et construire sans plus attendre le monde que nous désirons ». N’ayant pas de jardin, je pratique régulièrement la « Guerilla Gardening » qui consiste à jardiner au pied des arbres et partout ailleurs dans l’espace public dans le but de végétaliser la ville tout en éveillant les consciences.
En outre, grâce aux nouvelles technologies, je suis aussi actif à La Réunion où j’interviens régulièrement pour soutenir l’action de « Band’ Cochon »   et encourager le développement de l’agroécologie, via l’association Arterre. A ma grande satisfaction, nous avons ainsi permis l’ouverture d’un jardin pédagogique au Tampon, sur le terrain familial. A mes heures perdues, je partage quelques articles sur mon blog www.lapartducolibri.org et sur d’autres médias tels que www.reunionnaisdumonde.com ou http://ile-reunion.pressecologie.com/

3. Au fait, pour vous, le développement durable c'est quoi ?

Pour moi, ce serait un développement des activités humaines qui s’abrogeraient des contraintes de « croissance à tout prix » et de « création de valeurs », appréciés uniquement à la lumière d’indicateurs obsolètes tels que le PIB. A la croisée des aspects économiques, humains et environnementaux, le développement durable permettrait l’émergence d’une société basée sur l’inclusion de tous ses citoyens, valorisant leur investissement bénévole au sein de la société civile, favorisant les activités économiques créatrices d’emplois locaux et ce, avec une attention particulière pour l’agriculture paysanne.
Dans une île où la balance commerciale est déficitaire de plus de 4,5 milliards d’euros, où le taux de pauvreté est le plus élevé de France, où le chômage des jeunes culmine à plus de 50%, et où des pans entiers de l’économie (Agriculture, BTP, tourisme) dépendent directement ou indirectement de subsides (Europe, collectivités) potentiellement remis en cause, il me semble urgent et essentiel d’agir sur la capacité de résilience de notre système socio-économique. Penser l’avenir en terme de réduction des consommations (biens/énergies), de relocalisation des productions, d’optimisation des potentiels humains, le tout en favorisant les solidarités entre générations, entre voisins et entre réunionnais sont des conditions essentielles à la construction d’une société plus juste.
Vous l’aurez compris, je prône un réel changement de cap. Je ne pense pas que le développement de notre île passe par un acharnement thérapeutique, à coups de subsides, envers des filières agonisantes et sous perfusion. Les solutions archaïques basées sur le développement des filières à l’export, encouragées par le FMI ou la Banque Mondiale, ont aussi montré leurs limites. Dans un contexte de concurrence mondiale et de dumping social, La Réunion n’a aucune chance de rivaliser avec ses voisins. D’autant qu’une grande partie de la population manque cruellement de perspectives d’avenir s’inscrivant dans le cadre d’une vision commune, ambitieuse, et mobilisatrice. Identifions au mieux nos forces et nos faiblesses pour nous attacher à développer un marché interne dynamique et puissant, favorable à l’innovation et à la  multiplication de TPE/PME. Pour cela il faudrait revoir certaines positions monopolistes, aboutissant à une forme d’oligarchie freinant toute évolution.
« Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde » (Gandhi). Il est tant que les réunionnais prennent conscience de leur potentiel et s’engagent personnellement pour construire le futur que nous souhaitons pour nous et nos enfants.

4. Sous les trois axes "Ancrage territorial-Développement du potentiel humain-Valorisation des patrimoines", quelles sont selon vous les pistes possibles pour la Réunion ?

La Réunion est pour moi une pépite brute, qui mérite d’être sublimée ! En effet, de par son statut de région ultrapériphérique, elle joue un rôle clé dans toute la zone océan indien et bénéficie de fonds structurels lui permettant un développement sans précédent.
Sa situation insulaire tropicale lui permettrait d’espérer pouvoir devenir un modèle mondial de développement durable, aussi bien dans les domaines de la construction bioclimatique, de la production des énergies renouvelables, de l’application d’une agriculture moins gourmande en intrants , de la gestion de ses montagnes de déchets et bien d’autres.
La Réunion dispose ainsi de nombreux atouts. Mais sa richesse principale réside dans sa jeunesse, qui se trouve malheureusement exclue de la société active ! Nous passons à coté d’un formidable vivier de compétences et d’énergies qui ne demande qu’à s’exprimer et qui est trop souvent rabrouée.  
 Les jeunes ne sont pas un problème, ils sont la solution !
 Pour reprendre la formule des « TEDx Réunion » : Île et temps d’agir !

5. Dans la perspective de ces trois mêmes axes, quelle bonne initiative de votre pays d'accueil pourrait-on appliquer à la Réunion ?

Pour moi le politique, par le biais des services publics, doit jouer ce rôle d’impulsion et de soutien des initiatives citoyennes. Il ne doit pas chercher à en prendre le contrôle, ni à se l’approprier, mais bien à le soutenir et l’encourager. La région Bruxelles-Capitale, par exemple, réserve chaque année des enveloppes budgétaires dédiées à la mise en place de projets citoyens. Ainsi, la région encourage le développement de « quartiers durables », de « composts de quartiers », de « potagers collectifs » ou de « quartiers verts ». Pour y avoir accès les citoyens doivent s’organiser sous la forme de collectifs qui développent des projets de voisinages et soumettent un projet commun. Ces dynamiques citoyennes favorisent l’émergence de communautés de voisinages, basées sur l’échange et la solidarité et qui aboutissent bien souvent à une envie de s’impliquer un peu plus dans la vie de la citée. C’est ainsi toute l’ambiance d’une rue, d’un quartier qui s’en trouve modifiée, créant un climat ouvert et convivial…

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